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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/180

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sur les épaules, ravie, presque tremblante de joie. Elle avait eu bien raison d’espérer, et ce serait exquis leur dîner à trois, l’enfant grimpant tour à tour aux genoux des deux amoureux. Elle oubliait ses songes tristes de la journée, son abandon au fond de sa cage cristal et de soie jaune ; elle oubliait même ses réflexions quasi philosophiques à propos des femmes qui sont les intermédiaires entre l’espèce féline et l’espèce humaine… Elle tourna la clef, murmurant :

— C’est toi ? dépêche-toi ? Es-tu bête de frapper…

Elle demeura toute saisie devant la concierge qui lui tendait une lettre bordée de noir.

— Vous êtes sûre que c’est pour nous ? bégaya-t-elle retournant cette lettre, n’osant plus regarder la suscription de la bande.

— Tiens ! répliqua la concierge, l’air grognon, est-ce que je me serais donné la peine de monter six étages pour me tromper de locataire ?… Vous savez lire probablement !

Laure ferma la porte, et vint se rasseoir devant la table chargée de leur dîner d’opéra-comique. Elle considéra la lettre, ahurie, et repoussa le chat jouant dans ses cheveux…

— Oui, c’est pour moi, bien pour moi, se répéta-t-elle, et c’est de l’écriture du curé d’Estérac !

Elle brisa la bande, ouvrit la lettre et lut la phrase lapins apparente, la phrase imprimée en caractères gras, plus noirs que les autres : Madame Marie-Antoinette-Caroline Lordès.