Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/182

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XI

— Mais, ma chère, tu es en deuil, et je ne sais vraiment pas pourquoi je reste ici, moi ?

Le jeune homme se balançait sur le fauteuil américain, au centre de l’atelier, fumant un cigare, l’air grave. Laure, assise par terre dans une posture d’humble adoration, le regardait en caressant le petit chat de ses mains distraites. Elle portait un peignoir de cachemire pourpre, aveuglant comme un torrent de sang.

— Oh ! mon cher Henri, murmura-t-elle avec un sourire, les filles qui se conduisent mal ne portent pas le deuil de leurs parents, et je t’assure que je ne ressens aucune tristesse.

— Je le regrette pour toi, ma chère amie, c’est honteux… une totale absence de cœur. Je m’en suis aperçu depuis longtemps.

— Si, j’ai un cœur, soupira doucement la jeune femme, mais il est nu ; les autres cœurs sont mieux habillés cela fait une différence… de loin…