Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/184

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une petite tournée là-bas, — déclara le jeune homme qui ne perdait pas son idée de vue.

Laure se leva et repoussa vivement le chat.

— Tu vas encore me quitter ?

— Ne t’emballe pas, ma chère enfant, je vais simplement me montrer un mois ou deux à la Bourdaisière, me promener dans les rues d’Estérac, et en même temps chasser un peu, car mon père s’étonnerait de mon exil. Voici près de dix-huit mois que je n’ai pas reparu au bercail… Mon fameux chagrin a dû se calmer (Il se mit à rire). Tu ne veux pas que je pleure toute la vie une fiancée du genre de mademoiselle Lordès, toi qui ne pleures pas ta mère !

Laure s’assit sur les genoux de son amant, la figure bouleversée.

— Je redoutais l’époque des vacances, et tu as trouvé un prétexte… Songe combien je suis seule… Henri…

— Mais, ma chérie, tu peux aller, venir, sortir et même recevoir des gens, d’honnêtes gens, bien entendu. Est-ce raisonnable de te cloîtrer ainsi ? Je ne te fais pas de scènes de jalousie, je pense ! Dans les premiers jours de notre liaison, je t’ai indiqué tous les lieux de divertissement où une femme a le droit de passer des soirées agréables.

Je n’ai jamais refusé de t’y conduire ; tu aurais, à la longue, rencontré des amis, formé des relations. Tu as préféré te claquemurer bêlement, et aujourd’hui tu es obligée de L’en tenir à ton chat !