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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/186

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je sens que je la mangerais… Ah ! j’aime mieux ne pas dormir que rêver ce rêve-là. J’ai essayé de lire les livres que tu lis : — ça me fait bâiller tout de suite, les journaux — ça m’est égal ce qui se passe dehors ! Je ne désire qu’une chose, toujours la même : te toucher pour être bien certaine que tu es là…

— Une petite dose d’hystérie, quoi ! murmura le jeune homme à la fois flatté et contrarié de cet accès subit de tendresse.

— L’hystérie, répéta Laure, c’est une maladie à la mode dont tu m’as parlé, mais je ne me sens pas malade, mon pauvre Henri, et ce sont peut-être les hommes de cette époque, les hommes comme toi, qui sont malades ! Ne crois-tu pas qu’il y ait eu jadis… oh ! il y a des siècles, une population ne faisant que s’aimer sur un tapis d’herbe bien verte et avec beaucoup de soleil autour…

— Probablement au temps où les clercs de notaire étaient borgnes ! interjeta Henri se décidant à des cruautés.

Laure continua, l’air égaré, ses lèvres rouges un peu pâlies :

— Au fond de tout, c’est l’amour qui console ! Sans toi je pleurerais maman. Et quand l’amour est parti, c’est-à-dire le lien qui m’attache à toi plutôt qu’à un autre, il y a encore l’amour, c’est-à-dire la passion que mettent les bêtes à s’accoupler entre elles… Va, c’est bien inutile de vivre honnêtement. Tu te marieras et tu me regretteras… et pendant