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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/187

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que tu me regretteras, je vivrai comme une bête, sans me souvenir de Dieu. Je le défends de partir… tu es mon mari !…

Elle se pressait sur lui, se blottissait dans ses bras et le paralysait. Il finit par lâcher son cigare en riant de bonne grâce.

— Tu vous as une morale !

— Non, je n’ai pas de morale, j’essaye de demeurer fidèle, et cependant je suis sûre que je pourrais t’aimer tout en te trompant…

— Pas possible…

— Oui, tromper un homme, c’est souvent lui témoigner de la déférence, Henri. Je t’aime au point de ne pas te reprocher ta froideur…

― … Si j’étais froid… interrompit le jeune homme, riant toujours.

— Et j’ai peur de te tromper quand tu es loin…

— Me voilà donc prévenu… Merci !

Laure se redressa, écarta ses cheveux qui se dénouaient :

— Une fois mon cœur sorti de toi, je n’y verrai pas clair et je retournerai dans la grande forêt de mes rêves… Henri, je m’imagine que cette existence des Songes est comme la vie des animaux. On ne pense plus, et des choses vous arrivent tout naturellement, sans qu’elles vous causent la moindre stupeur. Les bêtes sont toujours au milieu de la nuit, et se heurtent contre des objets qu’elles ne discernent pas. Mais, aussi, quelle tranquillité pour elles qui n’ont ni besoin de pleurer leur mère, ni