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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/198

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Laure se sauvait en courant, la queue de ses cheveux battant sa croupe, les ongles fourrageant sa poitrine. Il était parti, et quand il lui reviendrait elle serait la prostituée au lieu d’être l’amante, l’épouse de son cœur ! Il ne l’aimerait jamais, jamais… À moins que son genre de misérable amour fût le genre d’amour des honnêtes hommes… et qu’elle n’eût pas le droit d’exiger une meilleure tendresse de cette race maudite par la sienne, la race des fauves.

Il était le garçon rangé, le monsieur estimable, l’homme juste milieu, et il sortait d’une famille moderne qui les lance à la société par ballots pour essayer de réagir ou contre les névrosés, ou contre les brutes. Ah ! celui-là ne connaissait point les emportements des sens, pas plus que les folies de l’imagination ! Muni d’un compteur spécial calculant les pulsations de l’amour, il avait le cœur réservé, la cervelle froide et fonctionnant comme une mécanique honorable ! L’aspect correct et séduisant d’un pantin qu’on n’aurait pas voulu grotesque, il était le chef-d’œuvre de sa fin de siècle ! Une invention propre, une plante de serre chaude dont on a extirpé enfin tous les principes vénéneux ! Il n’avait pas les préjugés de la province, mais en gardait les exquises religiosités, telles que : le respect pour l’ombre de sa mère, la croyance en une volonté supérieure qui nous régit, la probité dans les rapports d’argent et la politesse vis-à-vis des femmes. Il serait notaire. Apothéose du genre