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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/20

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en arrière. La jeune femme eut la gaminerie de miauler doucement. Soudain, des miaulements furieux retentirent derrière les cheminées, un objet brun tomba du ciel. Ce deuxième chat, plus hardi, vint droit à la tête, lui jura dans le nez, et successivement trois autres chats s’envolèrent des tuyaux de tôle, s’abattirent sur le lac de laque pâle où. leurs griffes produisirent des tapages de limes irritant les dents. Elle se garda bien de les effaroucher. Par toutes sortes de clins d’œil, elle les conviait à jouer avec cette grosse boule soyeuse qu’elle leur représentait, ne s’apercevant même pas que ses pieds s’engourdissaient et que le barreau de l’échelle lui meurtrissait les plantes. Au vent de liberté qui secouait ses cheveux, la femme s’enthousiasmait pour le bizarre peuple des toitures. Ah ! les chers animaux, quémandeurs d’impossible, et comme chez eux dans le printemps ! Eux aussi appellent des chimères. Elle les entendait, aux heures électriques, pousser leurs cris fiévreux au-dessus de la chambre, les devinait rôdant pareils à de petits lions qui cherchent la proie ; et quand l’amour était fini, pas contents, déçus, grondeurs, ils pleuraient leurs angoisses, tantôt avec des cris d’enfants qu’on égorge, tantôt avec des raclements de violons que l’on brise !

Ne sachant pas trop ce qu’elle leur voulait, la troupe des bêtes se rangea devant la femme. Il faisait très clair, et l’on pouvait se comprendre à la lumière de cette lune de gala. Le chat blanc se pe-