Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/209

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Laure vit un jeune garçon de dix-sept ans à peu près, maigre, à figure creusée de poitrinaire, la pomme d’Adam saillante, les bras détachés des épaules comme ceux de ces jeunes drôles, capables de tout, qui vont les mains ballantes le long des trottoirs ramasser les bouts de cigarettes, un type ce loustic ou de souteneur, et aussi un type de bon diable quand il se courbait, avec un regain de vigueur, sur les menus articles de Paris qu’il polissait. Laure souriait derrière la vitre, se demandant si les bijoux étaient faux. Le vent redoublait, lui cinglant les joues de ses cheveux, et elle avait toutes les peines du monde à se tenir droite sur l’inclinaison de la toiture. À sa gauche, elle apercevait les réverbères de la rue gros comme des allumettes flambantes, et elle se sentait aspirer par cette cour intérieure, tout près d’elle, cette cour voilée de sa toile d’araignée, noire comme une gueule de four ; seulement, l’attrait des verroteries la retint, elle regarda encore… L’ouvrier reprit sa besogne. Il trempait un chiffon dans un godet, cherchait des pinces, démontait une pierre, lissait le métal sur une poudre ou ajustait le bijou entre les crans d’un étau, et frottait ferme. De temps en temps, il bâillait, très furieusement énervé, semblait-il, par une idée lancinante. Enfin il repoussa la table, se tourna, leva les bras pour ouvrir sa fenêtre. La jeune femme se baissa, toute révolutionnée, craignant qu’il eût entendu quelque bruit ; mais ce garçon, dormant sans doute debout, ne se doutait