Aller au contenu

Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle dut traverser un endroit périlleux, le dessus d’une cour intérieure formé d’un grillage de fer si mince, qu’en grimpant elle se fit l’effet d’une colossale araignée au milieu de sa toile, puis elle atteignit la mansarde et se blottit derrière la vitre. Onze heures sonnèrent à une horloge lointaine ; ces tintements, s’éparpillant dans le vent, l’impressionnèrent et faillirent l’empêcher de lever la tête.

Ah ! cette voix mélancolique du bronze pleurant sur elle, pleurant sur Paris, la ville maudite réceleuse de toutes les hontes, de toutes les criminelles passions !… Mais Laure ne connaissait point la voix de Dieu, et ce n’était pas un message d’Henri que lui adressait la cloche ; la curiosité l’emporta, elle regarda dans la mansarde.

Devant une table, un ouvrier en bras de chemise polissait de microscopiques objets très étincelants, des boucles d’oreilles, des épingles de chignons, des boutons de manchettes qu’il sortait d’un carton et remettait dans une autre boîte, d’un geste toujours le même, si nonchalant qu’on aurait bien juré qu’il dormait en travaillant. La chambre était pauvre, meublée d’un lit à couverture brune comme on en voit dans les hôpitaux, d’une chaise de paille et de quelques ustensiles de cuisine, dont un poêlon au cul noir tachant la muraille d’une vilaine tache d’encre épaisse. L’ouvrier, par hasard, se dérangea de son travail pour aller remettre du pétrole dans sa lampe, et il se montra de face.