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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/213

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Elle essayait de se moquer ; cependant, là, du côté gauche, une fibre se rétractait, la faisait encore souffrir quand elle songeait qu’il aurait le droit de lui dire :

— Ton seul mérite, ma chère, était la fidélité !

Et comme il possédait bien l’accent nécessaire pour dire ça, un accent très doux d’homme d’une éducation supérieure, qui blague froidement. Laure tourna autour de son nid de soie jaune, il lui avait donné toutes ces choses, et toutes ces choses serviraient à son métier de fille… Un soir, un homme la payerait sur ce lit déjà payé par un autre…

— D’abord, moi, murmura-t-elle, farouche, on n’oserait pas m’acheter ; je crois que je le tuerais celui qui oserait m’offrir de l’argent… (Et elle ajouta, ricanant.) Comme si, la volupté, ça se payait… j’en donnerai toujours pour rien à qui en voudra.

Elle fit déjeuner le chat, et, agitée, attendit le moment de sortir. Elle prendrait une voiture, irait n’importe où, tâcherait de ne plus rentrer, afin de s’étourdir loin de cette serre chaude où elle gagnait des langueurs. Vers trois heures, quelqu’un sonna. Laure tressaillit, éperdue. Elle songea que ce garçon de la mansarde avait probablement découvert sa retraite, et qu’il allait se jeter sur elle, pour la violer : elle le retrouva au fond de sa conscience, obscène, tout agile comme un singe, il l’envelopperait et elle ne résisterait pas, elle ne saurait pas