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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/216

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cieuse qui la rendait plus souple et l’éclairait d’une lumière intérieure. Elle reçut son amant-époux comme une jolie petite bourgeoise dont le court veuvage a été rempli par les saines occupations du foyer domestique.

Son logis était en ordre ; elle avait, pour se reposer de toutes ses émotions, rangé, nettoyé, mis des plantes vertes dans des jardinières et secoué les tentures, soufflé sur les atomes d’amour, sur la poussière des souvenirs coupables. Henri inventoria le salon d’un coup d’œil. Il huma l’atmosphère ; cela ne sentait pas le cigare, et son fauteuil américain était resté à l’endroit favori. Lion, gravement assis sur le bureau, le regardait au milieu de ses livres et de ses papiers, l’air d’un honnête chat qui ne sait rien. Henri, n’ayant averti ni par lettre, ni par télégramme, tombait chez elle comme un gêneur, et constatait, chose bien singulière, qu’il ne la gênait pas. Elle lui répondit d’un ton tranquille :

— Tu espérais donc trouver quelqu’un ici ?

— Dame, quand on va à la chasse on perd sa place, prétend le proverbe !

Il rentrait, d’ailleurs, fort content de retrouver cette fille dévergondée au bout d’un mois d’abstinence ; et, le sang fouetté par la cuisine de midi, haute en épices de toutes sortes, il ne refuserait certes pas de reprendre la vie commune. Il mit sa valise sur une chaise avec des précautions, — à cause des pots de confitures de sa tante, — et