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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/217

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passa dans la Chambre jaune. Le lit était tiré à quatre épingles, les draps sans un pli suspect, la couverture sans chiffonnage de mauvais aloi ; la glace reflétait le ciel, en face du vitrage grand ouvert, et tout sentait bon le soleil, tout resplendissait de miroitements dorés comme un cristal imbibé de lumière. Il s’assit sur les coussins, l’attira devant lui, la fit se tourner, se retourner.

Laure, de son côté, l’examinait, se demandant si c’était bien Henri, celui qu’elle appelait le fiancé. Elle le voyait plus mal, changé, parce qu’elle était changée, ne l’aimait plus de la même façon, et lui en voulait de ce qu’elle l’avait trompé. Il était trop blond, maintenant, ses yeux, trop gris, ressemblaient à des yeux de faïence, et ce sourire dédaigneux, qu’elle admirait autrefois parce qu’il lui faisait de la peine, l’intimidait, ne lui donnait plus qu’une envie de lui rire au nez. Cependant, elle se sentait heureuse de le voir là, confiant en elle ; ses baisers l’attendrissaient comme des caresses de pauvre jeune homme qui excite une pitié.

— Tu es allé, dit-elle, te préparer un nouveau mariage. Donne-moi donc des nouvelles de ma remplaçante.

— Déjà nous taquiner ?

— Est-ce que tu ne le mérites pas ?

— Oh ! si tu t’imagines que je crois à tes serments de fidélité, ma petite chatte ! Je n’aurais qu’à tâter la concierge…

Laure se choqua de son langage, elle le trouvait,