Aller au contenu

Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

raisonnables, étaient plus grossiers que les brutes des campagnes dans leurs épanchements amoureux… Ils ne possédaient ni les naïvetés des simples paysans, ni les fougues des passionnés qui n’osent pas ou osent trop, ils étaient hygiéniquement nuis, ne dépensant pas plus en gracieuses paroles qu’en gracieuses actions. Maintenant, elle les haïssait !

— Voulez-vous me lâcher, ou je vous étrangle ! rugit la jeune femme lui entourant la gorge de ses cinq doigts pointus.

— Bigre, vous êtes méchante ! dit Julien Landry desserrant son étreinte, et vous faites bien du bruit pour un petit baiser.

Le maintien raide, comme un homme que l’on vient d’offenser, il alla s’asseoir dans le salon, près du feu, se chauffa les jambes par contenance, et regarda son pouce, où le chat avait incrusté sa dent.

— Voilà de singuliers animaux ! pensait-il.

Laure s’assit en face de lui, les yeux fixés sur un écran japonais.

— Vous l’aimez tant que ça, votre Henri ? murmura le clerc qui croyait de son devoir de ricaner un peu.

— Je n’ai pas de comptes à vous rendre au sujet de mes amours, monsieur. Est-ce lui qui vous charge de m’embrasser quand il est… en retard ?

— Oh ! non ! C’est-à-dire… Eh ! Eh !…

Il s’embarbouillait dans un rire épais, un rire gras.