Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/227

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Laure eut un geste de dégoût en ajoutant, mentalement :

— Ils se soutiennent, messieurs les clercs. C’était une scène arrêtée entre eux.

Elle ne se trompait pas. Henri rentra après avoir toussé légèrement. La soirée fut pénible. Julien Landry faisait tomber des dominos sous la table pour pincer les chevilles de Laure en les ramassant. Il affectait des airs vainqueurs désirant sans doute donner le change, mais le sourire ironique de la jeune femme expliquait tout. Henri devina bien qu’elle venait de repousser les avances de ce brutal. Lorsque le clerc partit, il l’accompagna sur le palier sous prétexte de l’éclairer et en réalité le gourmanda. Laure ne put saisir que cette exclamation : « Maladroit ! »

— Pourquoi l’appelais-tu maladroit ! questionna-t-elle douloureusement émue.

— Il a failli éteindre ma bougie en rallumant son cigare.

— Ah ! ne lui trouvais-tu pas une drôle de mine, ce soir ?

— Moi, je l’ai trouvé comme d’habitude, répondit Henri gardant une tenue maussade ; et il se coucha brusquement, le dos tourné.

À minuit, Laure se releva, et, sans se soucier du froid, elle s’étendit, ne pouvant dormir, dans les coussins, à côté du foyer où brûlait une bûche. Les regards hypnotisés par la braise mourante, suivant les étincelles qui filaient, muettes, au