Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/231

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fauve qu’elle attendait, et jamais on n’y découvrirait torture voluptueuse pareille à la sienne. Les hommes, là-dedans, se lamentaient sur les infidélités des femmes, et les femmes restaient victimes de l’impuissance des hommes sans se révolter, sans leur crier : « Qui êtes-vous pour oser vous plaindre ? Vous n’avez ni générosité d’âme, ni générosité physique ! » Une espèce de folie, faite de vertige mélancolique et d’orgueil, lui venait à parcourir ses domaines ; elle se sentait de force à lutter contre son ridicule belluaire, à se débarrasser de lui en le mordant au cœur une bonne fois pour le punir de l’audace qu’il avait eue, ce mesquin, en fournissant à ses crocs non pas de la viande rouge, mais du carton ! Puis rêvant d’un voyage dans les nues, à cheval sur le croissant d’or comme une sorcière, elle irait trouver les monstrueux matous tapis dans les greniers des cieux, les matous fantastiques et caressants qui la guettaient avec des prunelles luisantes, par les lucarnes des étoiles.

Une nuit, elle alla jeter un ruban à travers la fenêtre ouverte de la mansarde où dormait le jeune garçon qu’elle avait si désespérément troublé, l’automne précédent, et cela l’amusait de rendre cette malice à celui qui sertissait de si beaux yeux de chat ! N’était-elle pas la jolie fée protectrice des félins sensuels, la fée passant en laissant après elle une subtile odeur de musc, un peu de sa fourrure de coquette angora ? Et elle se sauva sournoisement, n’attendant pas la réponse. Le lendemain,