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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/232

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vers onze heures, elle se coucha à sa place favorite, au milieu du cristal dépoli, plus énervée qu’à l’ordinaire, tandis que Lion exprimait les pensées de sa maîtresse en son langage féroce, miaulant, sur les gouttières, à des amours impossibles. La croisée de la mansarde était éclairée, on voyait la silhouette maigre de celui qui l’habitait se coller contre les vitres anxieusement. Avec le printemps, la belle vision, la coureuse chimérique, était de retour. Comment se risquer, pourtant, à lui rapporter le nœud de ruban que la brise avait lancé, la veille, dans sa mansarde ? Il en avait si souvent été pour ses frais de dangereuse promenade, le pauvre gamin !

— S’il me rejoint, je tâcherai de l’apprivoiser, et il servira à ma vengeance, pensait la jeune femme perplexe, mais il m’a sans doute oubliée, quel dommage ! C’était un rival qu’Henri n’aurait certes pas inventé, ce voyou ! Moi, je le trouve gentil ! Ah ! Henri saura un jour le cas que je fais de lui. Il faut qu’il le sache. Je le veux, car je ne me prostituerai pas pour lui plaire ! Je me donnerai pour mon plaisir et non pour le sien. Je ne peux pas me laisser congédier comme une servante. Oui, je me vengerai, ça consolera mon cœur et contentera mon corps en même temps !

Soudain, la lampe de là-bas s’éteignit ; Laure perçut le bruit d’une fenêtre s’ouvrant discrètement, une ombre déambula de cheminée en cheminée, et la jeune femme, isolée du reste de la