II
Laure Lordès était née à Estérac. À Estérac, la petite ville méridionale, il y avait une grande maison silencieuse comme le fond d’un puits. Deux ovales de cuivre la blasonnaient au-dessus de sa porte peinte en vert mousse. Le perron de pierre était vert, du même vert que la porte, et les murailles s’ornaient d’herbes fines, et les panonceaux se vert-de-grisaient, et les vitres des fenêtres avaient des teintes émeraude. À l’intérieur du logis, les bureaux du notaire se meublaient de cartons verts, tirant sur le bleu. Un tapis, très usé, qui avait dû être vert, amortissait les pas.
Derrière la maison, une cour où poussait le gazon, entre les pavés, s’enguirlandait de vignes dont les feuilles épaisses avaient une couleur si sombre qu’elle faisait peur ; ce n’était ni une vigne folle, ni une vigne vierge, et elle produisait, narquoisement, quelques grains de verjus ne mûrissant jamais. Dans un coin de la cour un plant