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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/27

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d’angéliques s’épanouissait, d’une hauteur phénoménale. Les terres des cours closes sont pleines de caprices : on y sème du persil, et il vient de la ciguë. Elles secrètent à proximité des humains des sucs vénéneux, et les plantes les plus inoffensives y distillent souvent des poisons, qu’elles cachent sous une rare somptuosité de végétation. Le notaire d’Estérac avait semé dans ce coin de cour d’abord des fuchsias ; de son côté, une brise inconnue avait apporté une graine d’angélique ; les fuchsias, bien soignés, fumés, sarclés, arrosés, mis en pot l’hiver, étaient tous morts les uns après les autres ; mais, en revanche, la graine de hasard fit une tige, la tige une belle plante, et la belle plante devint bientôt un arbrisseau.

Puisque les angéliques réussissaient, le notaire se décida pour une plate-bande d’angéliques. Ce lui valut les plus douces jouissances de sa vie. Oh ! les angéliques énormes et vertes comme des parasols de fées ! Oh ! les angéliques aux feuilles retombantes comme des rideaux, les angéliques mêlant les saveurs de la sacristie aux saveurs de la confiture, les angéliques perverses dont les côtes sucrées sont mangées par les enfants et tuent les rats, disent les vieilles femmes ! Oh ! les angéliques perfides aimant les angles des murs où il fait noir, les chaleurs d’étuves et l’obscurité, qui dilatent les odeurs et les tournent en aphrodisiaques pour les sens des animaux ! M. Lordès, le notaire, avait un respect attendri de ces plantes venues là en bohé-