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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/261

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rat venu du plafond, puis il gronda, gardant une rancune contre le farceur qui lui avait noué une ficelle au cou, et s’enfuit sous le lit.

Auguste descendit en quelques bonds. Il s’arrêta, la dévorant de ses yeux clairs.

— Oh ! ce que ça vous a changée, tout de même, cette fièvre, mademoiselle Laure ! murmura-t-il, fronçant son museau de singe ; vous n’avez plus que les deux quinquets !

Elle tressaillit nerveusement. Ces expressions vulgaires, après l’avoir fait rire sur les toits, lui déplaisaient maintenant dans sa chambre, ou Henri causait, autrefois, en phrases si correctes, si mesurées. Sa chair et son cœur amollis par la souffrance étaient mûrs pour les raffinements des poésies amoureuses, et elle aurait bien voulu qu’on la ménageât davantage. Elle se sentait tout à fait morte… aux hommes comme il faut, mais elle ne renonçait pas encore aux flatteries élégantes, aux câlineries gracieuses. Si la passion, pour elle, n’avait jamais eu d’habit, elle lui reconnaissait un idiome spécial, une sorte de mystérieux mot d’ordre dont elle ne pourrait se passer. Quand elle se rappelait Armand de Bréville, elle semblait ouïr l’écho d’une musique délicieuse qui la ravissait, bien qu’elle ne la comprît pas, et elle eût souhaité d’être encore aimée par un fou très spirituel.

— Auguste, mon cher enfant, je suis malade. Tu serais gentil de me parler… moins haut.