Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/270

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pâte de guimauve, dont la nuance verte la ravissait. Elle suscita une scène, parce que le jeune homme voulait tout payer lui-même ; mais elle se regimba, déclarant qu’on ferait de moitié. Le long du fleuve, ils se disputèrent noblement, et enfin Laure céda, montrant ses dents de louve avec un sourire de mauvais augure. À mi-chemin de Meudon, ils entrèrent dans un bal. Des couples tournoyaient au centre d’une vaste tonnelle couverte de feuilles de volubilis toutes grisonnantes de la poudre de la route. Çà et là, un globe de verre argenté ou doré ponctuait la verdure salie, l’étoilant comme d’une petite planète pauvre. Des filles nouaient des mouchoirs autour de leur taille pour empêcher les doigts du danseur de marquer, et les garçons, ruisselants de sueur, mettaient leurs douteuses coiffures très en arrière, portaient des ceintures flamboyantes. Sous d’autres tonnelles, en forme de cage à poulets, étroites et fleuries de boules multicolores, clochetonnées de gros liserons, la galerie buvait de la limonade.

Des bruits rageurs sortaient de cette foule grouillante comme d’un combat, et on entendait des appels de coups de talon retentir sur le sol garni de planches, tandis qu’arrondies en un exergue rustique des lettres peintes se détachaient du feuillage : Au Rendez-Vous des Amis ! C’était banal et narquois ; on s’y bourrait de coups de poing entre deux contredanses, et les mères, dans un coin sombre, se déboutonnaient pour faire téter