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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/272

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— Tu veux me régaler, mon cher nigaud, eh bien, régale-moi ! Je n’aime pas la limonade. Sois tranquille, on nous dénichera du champagne, je l’en réponds.

En effet, ils eurent une bouteille de quelque mixture détonante qui moussait très remarquablement, et Laure, ne pouvant l’avaler, en arrosa les plants de volubilis. Auguste, croyant toucher à sa dernière heure, ferma les yeux.

— Si nous nous en allions, dis, tu ne veux pas danser là, toi ?

— Pourquoi ? est-ce que j’ai l’air plus honnête que ces femmes ?

— Voyons, je t’en prie, pas de blagues, tu es toquée !

— Tu sais valser, je pense ?

Il fut bien forcé de valser. D’abord désolé de la tournure que prenait leur escapade, il se balança, indécis, songeant à se sauver en l’emportant, et peu à peu, grisé par le rythme de la valse qu’il aimait furieusement, il oublia la dépense, saisit sa belle danseuse à pleines mains, la humant par l’échancrure de sa petite jaquette collante. Laure n’avait jamais été au bal ; elle avait valsé une fois, à Bullier, malgré les réprimandes moqueuses d’Henri. Elle s’en donnait à cœur joie. Auguste n’en pouvait plus ; il mettait, comme les autres, sa casquette en arrière, s’épongeait le front, riait, allumé, lui aussi, de la voir si jolie, si canaille, et buvait le restant de la bouteille, histoire de ne pas