Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/273

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gaspiller des gouttes. Il finit par s’écrouler sur le banc de la tonnelle, demandant grâce. Laure accepta l’invitation d’un grand loustic, leur voisin, une figure blême que son genre chic éblouissait.

— Ça non, s’écria Auguste, se rembrunissant, je le défends de bouger.

— De quoi ? fit le grand drôle, mesurant du regard ce gringalet, qui jouait les jeunes coqs. Et si ça plaît à madame ?

Laure eut l’intuition qu’un esclandre se préparait. Elle les sépara d’un geste, disant qu’elle voulait se reposer, et elle ouvrit son vêtement, s’éventant de son mouchoir.

— Écoutez, monsieur, je suis en nage, tout à l’heure ! Il a raison.

Elle avait mis sa broche de strass ; une seconde le loustic s’émerveilla :

— Bon, répondit-il, du moment que madame est avec son petit frère…

Et il pirouetta.

Auguste voulut cogner. Il avait des démangeaisons dans les paumes.

— Mais cache-leur donc ça, tu as l’air d’une gueuse ! souffla-t-il, irrité autant par la douceur de sa peau que par la brutalité de cette splendeur fausse.

Quand il fallut solder le champagne, Auguste s’aperçut qu’on aurait juste de quoi payer la gibelotte. Il avait emporté toute sa fortune : vingt