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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/274

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francs, en supposant bien que cela suffirait. Il s’exécuta, navré, et ils se sauvèrent.

— Mademoiselle Laure, dit-il sérieusement, quand ils pénétrèrent dans le restaurant de Meudon, après avoir couru le bois, faut être raisonnable, ici, c’est trop cher ! ce sont des filous, je vous assure.

Laure se taisait, les yeux railleurs. Elle demanda un cabinet sur la rivière.

— Je te lâche, gronda-t-il exaspéré, car il n’avait pas attrapé un seul baiser.

Elle mettait une si réelle ardeur à ses envolements qu’elle ne pensait plus à lui.

— Essaye !… lui cria-t-elle, montant l’escalier du cabinet en relevant ses jupes de dentelles. Il la rejoignit, tout penaud. Elle choisit des mets distingués, un filet madère, une matelote, et elle obtint du champagne authentique, flanqué de son respectable seau de glace.

Tout le ciel entrait par la croisée ouverte ; une odeur fraîche d’eau remuée, d’herbe foulée, se mélangeait aux odeurs poivrées et chaudes du repas.

— Ne sommes-nous pas bien, mignon ? interrogea-t-elle.

Il enfouit sa tête bouillante dans son corsage rose.

— Mais j’en mourrai de honte, moi !

— Bah ! dit-elle, avec un sourire dont il ne put voir toute l’amertume, rien ne tue en amour !

Ils dînèrent côte à côte, faisant les mille et une