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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/277

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printemps ; puis, énervée, elle jeta beaucoup de bûches dans la cheminée, parce qu’il lui semblait qu’elle avait déjà froid, et qu’elle s’apercevait déjà mendiant un homme sous un réverbère.

Ce fut durant cet hiver noir qu’à vivre en un perpétuel tête-à-tête avec son chat elle découvrit une passion dont elle n’avait point encore goûté ; Laure sentit que Lion était amoureux d’elle, cela sans trop d’étonnement, sa névrose s’accommodant de toutes les situations ridicules. Cet amour d’une bête pour elle se témoignait jusqu’à l’évidence, et elle aurait dû s’en émouvoir plus tôt ; le pauvre petit avait dû bien souffrir de la jalousie. Des heures passaient dans une mutuelle contemplation, et, gravement tendre, l’animal lui parlait le langage si éloquent des yeux. Blottis près du foyer après leur triste repas, où, se bourrant de pain, elle sacrifiait la moitié de sa viande à la voracité du joli fauve pour qu’il eût sa ration ordinaire, ils restaient mollement étendus sur les coussins. Laure, s’hypnotisant peu à peu, cherchant des pensées dans ces trous de lumière qui reflétaient l’ardeur des braises, croyait se plonger dans un abîme de voluptés mystiques, et les étincelles phosphorescentes, tantôt vertes, tantôt rouges, allumaient en elle un délicat incendie. Il y avait là des horizons inconnus, tout un monde qui se livrait à elle par ces petites fentes mystérieuses Lorsqu’il allait se frotter aux astres en courant su : les toits, ce chat n’en rapportait-il point comme