Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/278

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une divine essence d’amour ? Cette essence irisait son poil et le faisait luire de toutes les nuances des arcs-en-ciel, elle imprégnait ses prunelles d’une flamme extatique, elle aiguisait ses dents, les faisait à la fois cruelles et douces, elle donnait à sa langue rose tour à tour la fine aspérité qui vous irrite et la mièvrerie qui vous câline, et cet être exclusivement né pour les caresses ne vivait aussi que pour son plaisir !

Dans l’étroitesse de leur existence, où l’amour d’un homme ne trouvait plus de place, elle fit ses délices de son chat et jouit véritablement d’un bonheur animal très exquis. Ces deux simples créatures, si naturellement compliquées, s’entendaient à merveille, et ressentaient les mêmes ennuis, les mêmes impatiences, les mêmes joies. Quand Laure avait la migraine, Lion s’agitait, fouettant sa queue sur ses flancs, miaulant, le nez levé comme pour se débarrasser d’un poids pesant sur son crâne, semblait souffrir du même mal. Quand Laure avait froid, la nuit, dans son grand lit jaune, Lion se faufilait sous les couvertures, venait se presser contre elle, et, s’exaspérant du même froid, ronronnait à perdre haleine pour tâcher de réagir. Quand Laure boudait, regrettait le temps écoulé, pensait à ses autres amoureux plus pratiques, Lion, rencogné, pelotonné en une boule de mauvaise humeur, fermait les yeux, tarissait ses effluves de radieuses tendresses, ne donnait plus signe de vie ; et quand Laure, heureuse sous un