Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/282

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Toute détraquée par le contact de cette fourrure, qu’elle galvanisait de sa chaude humanité, où elle introduisait son fluide cérébral, elle perdait, abîmait son esprit dans la contemplation de l’impossible. Elle en avait aussi la frayeur et l’attirance, comme si, par ces petites fentes lumineuses où brillaient les étincelles d’un feu diabolique, un vide l’aspirait toute, la buvait. Quelqu’un, quelque chose, peut-être l’âme de la bête elle-même (a-t-on dit tous les mystères de ce monde muré ?) lui lançait un sort derrière cet ondoyant fantôme de chat, l’envoûtait, et elle se laissait docilement subjuguer, satisfaite de perdre en intelligence ce que Lion lui rendait en caresses. Vieille fille par certaine manie d’ordre, à cause de certaines idées provinciales qui lui restaient, elle devait bien réaliser le rêve que ce chat pouvait former d’une compagne.

Soigneux de sa personne, Lion se lustrait toute l’après-midi ; Laure était capable de repriser sa robe ; gourmands autant l’un que l’autre, ils s’extasiaient devant les bons plats, et tout se passait dans leur commun logis d’une façon aussi correcte qu’extravagante. Ils dormaient le jour, couraient les toits la nuit, se plaisaient aux mêmes évocations de chimères et s’évanouissaient dans les mêmes accès de paresse.

Au carnaval, la malheureuse fille, n’ayant presque plus d’argent, dut renoncer à le nourrir de viande. Elle trempait leur pain dans un sou de lait pour eux deux, et Lion dépérit. D’ailleurs une sorte de