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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/295

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Elle se sentait atrocement intimidée, elle si hardie dans ses caprices, et une pourpre s’étendait sur ses joues. Regardant de temps en temps sous la table, elle se disait qu’on allait probablement lui presser les genoux, lui prendre le pied ou lui chatouiller la cheville du bout d’une canne, et elle pensait que de la part de cet homme une provocation bête l’anéantirait.

— Voyons, madame, dit-il, croisant la jambe et se penchant avec un sourire cordial, est-ce que je me trompe ?

Elle se rapprocha éperdue ; ses cheveux, dans le geste vif qu’elle fit, tombèrent de ses épaules sur la cuisse de l’homme, qui eut une stupeur.

— Et vous venez ici coiffée, ou plutôt décoiffée comme cela ?

Laure s’efforça de pelotonner sa tresse et de l’attacher avec l’épingle de sa voilette ; à son tour la voilette glissa. Cette docilité égaya l’homme.

— Je comprends bien ! Ce n’est pas votre faute, ils sont si longs ! Mais nous pourrions nous rendre chez un coiffeur.

Raillant, il ajouta :

— Au bois de Boulogne, par exemple !

N’écoutant pas sa réponse, il appela un garçon, paya et demanda une voiture. Quand la voiture fut arrivée, il se leva, s’effaça :

— Dépêchez-vous, on vous regarde ! dit-il d’un ton bref, la frappant impérieusement à petits coups de sa canne. Des murmures suivirent ce départ,