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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/296

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ou mieux cet enlèvement : d’autres hommes regrettèrent cette splendide chevelure qui n’appartenait point à une habituée. Un gommeux, sanglé dans une jaquette grise, vint donner une poignée de main à l’heureux mortel en lui disant, d’un air familier, quoique respectueux :

— Mes compliments, vous avez de la chance, mon cher !

Laure demeurait ahurie. On le connaissait, cet homme qu’elle ne connaissait pas !

— Madame s’est égarée, bonsoir ! riposta durement le félicité.

D’un bond, il rejoignit Laure, qui, toute émue, les yeux en pleurs, remettait sa voilette. Dès que le fiacre eut dépassé la Madeleine, courant vers le Buis, l’homme, resté muet, lui prit le bras, le caressa très légèrement.

— Ne me racontez rien du tout. Vous pleurez, je ne veux pas savoir pourquoi ! Nous allons respirer un air plus sain, comme de bons vieux amis, et ensuite nous souperons, ou nous ne souperons pas, selon votre état d’esprit. Agissez, ma chère enfant, comme si j’étais très loin, derrière cette voiture.

— Oh ! monsieur ! sanglota-t-elle, c’est plus fort que moi. Je ne peux pas me retenir…

— Chut !

Et ils se turent. Bercée par les ondulations douces de la voiture qui roulait sans bruit sur les allées, Laure se calma peu à peu et s’abandonna