Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/309

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lement dignes de toi ? Moi, je n’espérais plus rencontrer une femme qui ne fût pas ou la poupée bourrée de son, ou la femelle bourrée de principes ! J’ai enfin trouvé la belle bête intelligente que je considère comme représentant la femme désirable, et je me moque des subtilités de nos éducations. Je t’enlève au monde. Tant pis pour lui beaucoup plus que tant pis pour moi ! Il n’est pas donné, je crois, à un imbécile d’être à la hauteur d’un tigre. Cependant l’imbécile est un homme, et le tigre un animal ! Si tu n’as connu que des naïfs ou des idiots, ma pauvre petite tigresse, ce n’est pas ta faute. Moi, je t’absous.

Laure admirait ce langage nouveau, sans bien saisir la raison de cette soudaine explosion de colère paradoxale ; elle se demandait si, par hasard, il ne serait pas un de ces artistes détraqués dont Henri Alban parlait avec mépris jadis !

Elle répondit, l’embrassant :

— Tu me pétriras à ta guise, mon bien-aimé ! Je n’ai pas de vanité, je sens que je le suis inférieure en tout, mais si tu veux m’aimer comme je t’aimerai… je serai tout de même le plus savant de nous deux !…

En elle s’épanouissait en une générosité exquise, elle se faisait le serment, à cette aube de résurrection, de ne plus vivre que pour cet homme, et elle se livrait, lui paraissait-il, pour une éternité.

— Je t’attendrai en comptant les heures ! sou-