Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/316

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comme un holocauste que cette furie brûlante allait tout consumer.

Lion avait vraiment l’air de se venger. Il s’acharnait sur tout ce qui était beau, gracieux, très doux. Il voulait crever les yeux, ces yeux d’Égyptienne, ces yeux remplis de larmes, déjà obscurcis par une pensée de mort ; il voulait manger la bouche, si fraîche encore dans les épouvantables rictus qu’il lui avait imposés ; il voulait tuer la grâce de cette poitrine ronde et ferme, lui tuer ses seins qui pointaient vers lui leurs exquis boutons de roses bengales ; et il semblait regarder toutes ces merveilles de la femme comme d’autres bêtes dont jadis les rages luxurieuses l’avaient cruellement offensé. Il lui fallait tout détruire, tout profaner, tout marquer de son sceau, c’est-à-dire de sa griffe et de ses dents trempées de poison.

Laure, se traînant, gagna l’endroit où était le miroir ; elle songeait d’une manière vague qu’en atteignant le bas de l’échelle, si le chat lui laissait un seul instant de répit, elle pourrait grimper là-haut, se sauver par les toitures, mais ses forces diminuaient de plus en plus ; elle s’imaginait maintenant qu’un vêtement de braises l’enveloppait, ses veines s’enflammaient, le vertige prenait son cerveau. L’idée persistante qu’elle aurait la rage et en mourrait, si ce chat n’arrivait pas à l’achever, commençait à la rendre réellement folle. Un délire étrange lui faisait voir des océans de flammes vertes et rubis dans lesquelles son