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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/317

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corps meurtri nageait en recevant des coups de couteau ; elle voyait des yeux en tas, des yeux d’escarboucles, et elle se ruait dans le flot des pierres précieuses, dans tous ces yeux de chat qui s’amoncelaient autour d’elle, fulgurant contre ses pauvres nudités, lui dardant des jets d’étincelles.

Les yeux des chats pénétraient derrière sa tête, glissaient à ses orbites vides ; ils s’installaient chez elle comme chez eux ; c’était elle qui avait des prunelles phosphorescentes, et elle voyait avec un regard trouble, et les objets changeaient peu à peu de forme ! Au fond de son hallucination, une seule pensée humaine subsistait… Elle percevait une voix sourde qui gémissait :

— Le nom ! Le nom ! je ne saurai pas le nom de l’homme !…

Mais elle ne comprenait plus ce que sa pensée voulait lui dire ! Quand elle put lever le front, l’animal s’était reculé pour mordre ses cheveux au lieu de mordre sa chair, tenté probablement par les molles ondulations de cette queue superbe ; elle vit, en face d’elle, prête à bondir, un félin diabolique, un monstre inconnu, effroyable… Une bête, le museau rongé au ras des dents, le nez coupé, camard, exhibant deux ovales noirâtres, une bête sans paupières, les yeux couleur de rubis, une bête aux mamelles pendantes et fendues, aux larges pattes palmées, toutes rouges, l’échine aplatie sous une toison splendide, une fourrure brune que