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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/42

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fleur. À quoi pensait-elle ? À rien de bon. Elle se tournait et se retournait dans sa vie pour essayer d’en briser les parois, la trouvant déjà trop étroite. Ainsi font les jeunes fauves dans la cage, se tournant et se retournant pour découvrir une issue à quelques vilains coups de leur part. Sans amertume, elle ne reprochait pas à ses parents ou à ses institutrices les punitions qu’on lui avait administrées, elle ne concevait pas une vie exempte de punitions, c’est-à-dire exempte de l’envie de mal f aire. Sa plus grande sagesse était une indifférence colossale pour tout ce qui ne lui présentait pas la jouissance immédiate d’une gourmandise ou d’une coquetterie. Sauvage comme une Peau-Rouge, ses diverses civilisations se résumaient en désir d’un fruit défendu, d’un ruban, d’une verroterie surtout ! Les perles, les boutons, les paillettes la ravissaient. Elle avait inventé un jeu très silencieux, d’une extraordinaire simplicité. Il consistait à faire la marchande avec des pendeloques d’un ancien lustre relégué au fond du grenier.

Ces morceaux de cristal taillés à facettes, ces prismes qu’elle se posait sur un œil en regardant le ciel, la comblaient de félicités. Son père lui avait expliqué longuement les curieuses expériences qu’on peut produire en s’aidant du prisme, et les cigares allumés sous la loupe que chauffe le soleil, et la très précieuse décomposition du spectre solaire, mais l’enfant, sans sourciller aux manifestations pédantes de M. Lordès, ne répon-