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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/43

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dait rien, prenait des figures éblouies, puis se sauvait pour jouer avec sa verroterie d’une manière moins savante. Elle alignait les bouts de cristal taillés, les plus petits d’abord, les plus gros ensuite, appelait le mur monsieur ou une chaise madame, et le trafic de sauvagesse commençait.

— Si vous le désirez, monsieur, je vous vendrai trois diamants pour trois couteaux. Ah !… vous ne voulez pas ? Eh bien ! gardez vos couteaux, je garde mes diamants.

Ses poupées l’enthousiasmaient peu. Un être qui dit papa et maman, toute la vie, autour de vous, cela lui semblait une perspective assez désagréable pour une dame. Pour une petite fille, le simulacre de cet être-là ne l’intéressait pas autrement. Elle s’arrangeait de façon à posséder la plus belle poupée de la ville, et la mettait dans le tiroir d’une commode sans s’en inquiéter davantage. Les livres dorés sur tranche, enluminés, l’exaspéraient, ne différaient guère des pensums, et les jeux réputés instructifs l’assoupissaient quelquefois tout doucement sur les genoux de son père. Le notaire ne rêvait qu’au précepte : instruire en amusant. C’était son fétiche, sa monomanie. Tout lui servait de tremplin pour y faire sauter trois ou quatre phrases techniques destinées à étonner son écolière ; malheureusement, l’écolière, que cette clownerie macabre agaçait, ne voyait, de son côté, que le moyen de s’amuser en s’instruisant, et elle lâchait vite les jeux sérieux, revenant à la verroterie. Ma-