Aller au contenu

Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dame Lordès haussait les épaules. Une fille en sait toujours assez quand elle peut compter des perles jusqu’à cent.

Un dimanche, la cuisinière fit signe à Laure de sa porte. Elle abandonna son sac de diamants dans les angéliques et courut vers la cuisine. Dans la pénombre de la vaste pièce, près du fourneau brûlant toujours comme le creuset de l’alchimiste, Laure aperçut un garçonnet de son âge qui tenait une corbeille, de l’envergure d’un énorme nid, pleine d’œufs d’oiseaux.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-elle curieusement.

— Ah ! mademoiselle, lui répondit la bonne, c’est le remède à votre maman, un vrai régal je vous jure. C’est des œufs de pie pour faire une omelette. On dit, dans les campagnes, que l’omelette d’œufs de pie guérit du mal de langueur.

Ce garçon avait raflé au hasard œufs de pie, œufs de merle, œufs de chardonneret, œufs de rossignol (ceux-là bruns piqués de points rouges), et des œufs de colombe.

Madame Lordès entra, suivie du notaire. La mère s’extasia, le père éclata de rire, tout en convenant que les remèdes des bonnes femmes ont souvent des effets inattendus. Il se piéta pour dire que, l’œuf contenant le principe de la viande de volaille sous son plus mince volume, les œufs d’oiseaux, ces êtres si vifs, si agiles, devaient… Il s’embrouilla et darda des regards féroces sur le petit paysan ahuri.