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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/48

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dans le même état que ceux qui goûtent pour la première fois à de l’épine-vinette. C’était délicieux et douloureux, et tout de suite ils avaient compris que ça ne finirait jamais, qu’ils n’apaiseraient pas cette faim enrayante de sensations acidulées, qu’ils mordaient dans le vide.

Non seulement le jeu fut repris à chaque retour du garçonnet, mais encore la jolie petite Messaline en herbe y convia les fils du capitaine de gendarmerie, deux gros sournois que leur père amenait chez le notaire pour manger de l’angélique… Jusqu’au jour où Marcou afficha des audaces qui le firent mettre à la porte par la bonne, lui, le balourd sacrifié aux autres mieux élevés, sachant mieux dissimuler leurs instincts de malpropres jeunes animaux flaireurs de jupes.

— Tiens ! Le petit Marcou ne revient plus, remarqua madame Lordès, un dimanche, à table.

— Ma foi, madame, riposta la bonne qui distribuait le pain, ce n’est pas dommage. Ces garçons de paysans ont de sales manières !

Laure prit un morceau de pain dans le panier, fixa ses prunelles sur la bonne, en murmurant d’une voix douce :

— Louise a raison, maman, ce petit garçon est mal élevé. Il dit de vilains mots. Je ne veux plus jouer avec lui, moi.

Et la bonne, magnétisée par ces yeux noirs, scintillants d’une humidité fluide, se sentit émue, ne