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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/49

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voulut rien expliquer à ses maîtres, par respect pour une si touchante ingénuité.

Il revint. Un matin de marché, on le vit s’asseoir sur le perron, la tête basse, tout navré, montrant une tristesse d’homme qui faisait peine. Laure, debout près d’une croisée ouverte, l’examinait en pinçant les lèvres et avec quelque chose de mort pour lui dans les prunelles, jamais elle ne lui pardonnerait sa maladresse. Quel pataud ! Aller compromettre tout l’avenir d’un jeu si bien inventé ! Les fils du capitaine de gendarmerie, au moins, savaient se mieux tenir et ne prenaient pas des initiatives ridicules. Marcou la dévorait du regard. Il serait entré par la croisée sans la terreur qu’il avait du notaire. Sa blouse neuve bouffait autour de lui comme un ballon bleu, et ses maigres jambes, terminées par de gros souliers de cuir pleins de poussière, lui donnaient un aspect des plus réjouissants. Laure éclata de rire, lui tourna le dos. Quelqu’un arriva qui ferma la fenêtre, Marcou se retira lentement, un pli creusé au milieu du iront. Il se retrouvait seul à présent, livré aux affreuses consolations des petits hommes trop tôt réveillés. Pendant que ce cœur naïf se serrait dans l’angoisse d’un premier chagrin d’amour, Laure Lordès demandait son chapeau, celui qui avait des nœuds de satin mauve, pour aller rendre une visite.

Peu à peu, ce fut, le long de cette rue d’Estérac, une espèce d’épidémie nouvelle. Soit que ce quar-