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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/50

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tier de la ville eût une exposition malsaine, soit que, situé en contre-bas de la place de l’église, il y eût plus d’ombre, plus de relents de ruisseaux, plus de coins de murailles moisies, plus de portes cochères complaisantes, les enfants de cette rue-là dépérirent les uns après les autres, et particulièrement les petits garçons. Les familles ne s’effrayèrent pas tout de suite de cette maladie. Si les enfants manquaient d’appétit et de couleurs, c’est qu’ils mangeaient trop de fruits ou de sucre. Des mères vinrent chez les Lordès pour supplier la femme du notaire de ne pas les gâter, le dimanche.

Madame Lordès souriait aristocratiquement. Elle aimait ce rôle de protectrice des voyous. Il ne lui déplaisait même pas qu’on s’offrît une indigestion chez elle. Si Laure semait des friandises sur ce jeune troupeau de gourmands, elle était bien libre, et cela ne prouvait que la bonté de son cœur.

— Nous ne sommes pas des richards, déclarait M. Lordès, mais quand nous traitons nos jeunes convives, nous avons toujours une boîte d’angéliques à leur disposition. Les enfants sont les enfants, que diable !

Et la grande cuisine, les jours fériés, se remplissait de galopins. On mettait les rallonges à la table, et l’on fabriquait des crêpes. De l’étude, le notaire surveillait les jeux de la cour, c’est-à-dire qu’il pérorait avec ses amis en leur désignant, de temps en temps, les soldats de l’avenir qui simulaient l’assaut des plantes vertes, ou les ménagères futures