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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/53

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par des attitudes royales, une indifférence absolue, souvent des phrases froidement polies.

Un jour, le fils d’un professeur du collège lui soupesa les cheveux malicieusement, en lui demandant si c’était la queue du cheval de son papa. Elle lui flanqua une paire formidable de gifles, qui retentit dans toute l’Église. Le curé interrompit la leçon pour pouffer au fond de son gros livre. En voilà une qui n’y allait pas de main morte ! Jeux de mains, jeux de vilains ! Et il gronda le garçon, la fille du notaire n’étant pas, après tout, la première venue.

La cérémonie des robes blanches fut un triomphe de jeune épousée pour Laure Lordès. Ses petits mâles, ébahis, la contemplèrent tout un dimanche vêtue de mousseline, perdue dans une auréole de cierge et jolie, plus jolie qu’une sainte. On collationna dans toutes les maisons, le vin fin et les liqueurs généreuses coulèrent pour ce petit peuple d’élus.

Ces joies divines, mélangées de quelques remords, causèrent des attendrissements. Les mères tamponnaient les yeux de leurs filles en leur parlant du ciel et des sacrifices qu’elles avaient faits pour que leurs petites eussent des costumes dignes de la solennité. Laure, sachant que ça serait très remarqué, demanda pardon à ses parents publiquement pour tous ses péchés, toutes ses désobéissances. Elle songeait peut-être sérieusement à se débarrasser du tas, qu’elle jugeait lourd, puis-