Aller au contenu

Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que la fillette retrouva son premier joujou sérieux : Marcou Pauvinel, le gars de ses fermiers, Marcou, devenu vraiment, grâce à elle, une brute bien spéciale.

Un matin les adolescents se rencontrèrent dans le jardin potager de la terme ; Marcou arrachait des mauvaises herbes, Laure savourait une tartine de beurre frais :

— On n’est plus des enfants, hein, Marcou ? dit-elle d’un ton bienveillant et n’ayant en somme rien de mieux à faire dans ce pays perdu que de renouer l’ancienne conversation.

Il s’accroupit sur ses talons, les bras tombés.

— Non, c’est sûr, on n’est plus des enfants.

Ils n’osaient pas se rire encore, très gênés. Autour d’eux s’épanouissaient des roses, si fraîches qu’elles semblaient lancer chacune un rayon de leur cœur, et il pleuvait une lumière toute rose sur les salades. Laure ajouta :

— On ne peut plus jouer, quand on a notre âge.

Elle songeait aux cris perçants des femmes en couches dans ce coin de nature candide. À Estérac, dernièrement, la mercière avait mis au monde un enfant, et on l’avait entendue chez tous les voisins. Un silence plana, et les roses paraissaient plus muettes que d’autres fleurs. Par-dessus le jardin, le ciel était clair comme une soie.

— On s’amusait bien !… dit Marcou levant les yeux.