Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/59

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n’ont pas vu, dans ce crépuscule qui descend sur la face de leurs enfants et les fait grimacer, elles n’ont pas vu s’estomper la ride affreuse du désir inassouvi ; les mères sont des bêtes, elles tiennent de la bête avant de tenir de l’ange, et leur vanité, pourtant, leur montre leur portrait réduit sous la seule forme de l’ange. Donc, pauvre petit ange, tu deviens laid, tu deviens volontaire, capricieux : mes baisers n’ont plus le même plaisir à parcourir ta dégingandée petite personne ; si tes lèvres ont des faims de femelles qui désirent préluder aux jeux de l’amour par des jeux innocents, va dans les jolis ruisseaux, à l’ombre des trottoirs ou des menthes, avec des bottines ou des pieds nus, et, cherchant des anges d’un autre sexe, les voyous des villes ou les galopins des villages, développez ensemble soit vos appétits normaux, soit vos idées contre nature ! Caressez ! Caressez ! Il en sortira toujours quelque chose, ne fut-ce que l’incrédulité en la matière virginale ! Nous, les mères honnêtes, nous ne devons pas savoir, puisque nous sommes réservées à présent si nous ne l’avons pas été jadis !…

Laure, toute remplie des troubles de l’âge ingrat, finit par s’aliter. Le médecin conseilla aux parents un changement d’air, et M. Lordès se rappela, très à-propos, que leur ferme, du côté du hameau de Pivasse, était située dans d’excellents pâturages.

On y mit la jeune cavale au vert. Et ce fut là