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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/64

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lucarne du grenier formait une lune bleue que rayait le vol des hirondelles, et des colombes venaient se becqueter au bord de ce trou de ciel comme au bord d’un nid. Laure se précipita dans le foin la tête la première. Marcou la réjoignit, soulevant des brassées de fleurettes sèches, la recouvrant des jaillissements de ce grand bain de verdure fanée, se noyant avec elle dans un abîme de voluptés âpres qui leur cuisaient la peau.

Il voulut la dévêtir. Laure se défendit, la pudeur, pour elle, consistant dans les vêtements. Tout ce qu’on voudrait, mais pas cela. Ils se disputèrent, en grognant comme deux jeunes chiens, se montrant leurs dents blanchies à travers les herbages, mordant ou le foin, ou la chair, s’administrant des claques sonores et se baisant les joues avec des museaux grimaçants. Enfin, il la renversa, la dépouilla de son sarrau, la mit peu à peu toute nue. Laure, prise d’une terreur superstitieuse, pensait qu’elle serait punie à cause de sa nudité. Elle fit machinalement un signe de croix. Par ce trou bleu, Dieu la regardait, elle le sentait bien, Dieu qui voit tout, péché ou bonne action…

— Non ! non ! Je ne veux pas. Ça me fait honte à présent…

La vérité, c’est que ça lui faisait peur, et elle pleura la moitié du jour, blottie dans le foin, n’osant plus redescendre l’escalier sans lui ! Sans lui, car l’amoureux avait été obligé d’abandonner l’amoureuse pour aller soigner les bœufs !…