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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/68

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tous la fuyaient ou la saluaient de très loin, Il existait donc des coins pour s’embrasser qu’elle ignorait encore ? Se marier ? Elle n’y tenait pas beaucoup, ayant bien deviné que le mariage n’assouvissait pas les créatures de sa trempe. Elle rêvait d’une autre vie, d’un cloître, si on voulait, mais d’un cloître où l’on se trouverait deux de sexe différent, perpétuellement en tête-à-tête sur des coussins de velours.

Elle cherchait une occasion de se donner, avait disposé toutes ses batteries pour ne risquer aucun scandale. Oh ! elle saurait dicter ses conditions, elle possédait toutes les sciences nécessaires, et ce n’était ni l’esprit ni la beauté qui lui manquaient. Oui, ce jeune abbé la tentait, à présent. Plus elle y réfléchissait, plus elle se disait que le salut était là ! Des bruits couraient sur son compte ; on le croyait en disgrâce à Estérac, une bien petite ville pour lui, qui sortait d’un chef-lieu.

En attendant mieux, il remplaçait le curé, devenu impotent.

La pensée d’un sacrilège ne révoltait pas mademoiselle Lordès ; elle en apprenait de drôles au sujet des curés, son père ne se gênant guère pour déboutonner les frocards quand le capitaine de gendarmerie dînait chez eux. Des hommes comme les autres, affirmaient ces deux messieurs en sirotant leur café, laissant se récrier madame Lordès, qui n’aimait pas ces discours pimentés, mais qui finissait toujours pas en rire de bon cœur.