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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/67

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Plus vertes que jamais, les fenêtres s’ouvraient rarement, le notaire craignant les courants d’air pour ses rhumatismes ; madame Lordès, malade, tout à fait obèse, n’allait plus que de son fauteuil à la cuisine où le fourneau, d’un noir d’enfer, brûlait éternellement sans jeter de lueurs.

Laure laissa tomber son front dans ses mains. On chantait des cantiques, des fumées odorantes se dégageaient de l’autel orné de fleurs sur lequel se dressait, au milieu d’un cache-pot en faïence de tons criards, une angélique offerte par la fille du notaire.

Non, cela ne pouvait pas durer. Elle passait les nuits trop affreuses, et c’était idiot de lutter comme une vierge puisqu’elle ne devait plus être vierge grâce aux fatales inventions de Marcou, ce rustre qui l’avait faite femme bien avant l’âge ! Non, elle renonçait à la pudeur et aux sommeils classiques de l’innocence sous les rideaux blancs ! N’importe quelles amours seraient moins honteuses que ses dépravations solitaires. Elle portait l’amour dans le sang, c’était certain, et elle marmotterait des dizaines de chapelet plus tard, quand elle aurait la tournure de la vieille servante qui priait derrière elle ! Pourquoi lui faudrait-il attendre un mari si longtemps ? Et avec ça que les maris poussaient dans les rues d’Estérac ! On n’imaginait pas combien ces garçons de la ville se montraient placides. Où trouvaient-ils des apaisements à leurs fièvres ? Gamins, ils se pendaient après ses nattes ; aujourd’hui,