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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/76

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or ! » et qui avait obtenu, grâce au renoncement spontané de son frère, un beau mari, un homme d’argent… Le jeune prêtre revoyait les allées d’un parc, des verdures de luxe, un château romantique et deux petits bras blancs noués à son cou : « Frère, porte-moi ! » Oh ! les femmes, les femmes ! Il n’était pas vierge et n’avait pas eu de maîtresse ; il avait aimé en ignorant l’amour, et il souffrait cruellement, les lèvres dédaigneuses, ainsi qu’il est convenable de souffrir pour un garçon bien né. Quant à Dieu, cet éminent personnage de son monde, il le respectait. Voilà tout.

Laure fit un mouvement. L’abbé se réveilla de ses songes.

— Enfin ! s’écria-t-il se penchant sur elle.

La jeune fille ouvrit les yeux, eut un air confus.

— Je vous embarrasse, monsieur l’abbé, dit-elle, je vais essayer de me relever.

Elle se redressa, se cramponnant à son genou.

— Je vais vous expliquer, monsieur l’abbé, reprit-elle avec une grande douceur de voix, c’est une maladie nerveuse qui me jette par terre sans que j’aie le temps de prévoir ses accès. Je tombe n’importe où, et j’ai toujours très peur de rester seule. Ma bonne était loin, je ne voyais plus personne…

Elle respira, arrondissant ses bras au-dessus de son front pour arranger sa toque, lisser ses cheveux.

— Il ne faut point parler de cet accident, ajouta-t-elle, car j’ai honte de ma maladie, et mes