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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/85

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Son porte-plume tomba. Il aspira une bouffée de brise brûlante, péniblement, et s’essuya le front. La fenêtre de l’étude était ouverte, donnant sur ce puits de cour où chauffaient les angéliques comme dans une fournaise. Malgré les persiennes à demi-closes, on sentait la pénétrante odeur de leur verdure. Un rayon de soleil barrait d’or les cartonniers solennels et apportait à leur gravité tout un bal d’atomes folâtres. Laure se laissa choir sur un des sièges de cuir.

— Je n’en peux plus, moi aussi… Et dire que notre maison est une des plus fraîches de la ville.

Elle fit glisser son fichu, découvrant le haut de son peignoir déboutonné, rejeta ses cheveux de gauche à droite.

— Je crois, murmura Lucien, frisant son ombre de moustache d’un geste grotesque à cause de sa figure, je crois que monsieur votre père ne rentrera pas sans tremper sa veste.

Laure, les deux mains ballantes, allongea ses jambes, réunit ses pieds pointus, se tendant toute comme une flèche prête à partir.

— Et maman, donc ! Si vous la voyiez, monsieur Lucien, elle vous ferait pitié ! Une vraie lessive. Elle en fume !… Elle est dans la cuisine à nous rôtir un poulet. Ah ! c’est bien le jour de tourner une broche ! et Joséphine qui a failli ôter un jupon…

À cette pensée que Joséphine, l’embéguinée, voulait ôter quelque chose, ils éclatèrent. Laure