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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/90

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rien. Tu ne me trahiras pas, dis, Lucien, mon cher petit Lucien ? Mais… comment t’expliquer, je ne peux pas te regarder.

Lucien Séchard se cacha le visage dans ses cheveux dénoués. Les éclairs se succédaient, brillant entre les persiennes comme des reflets de lames aiguës.

— Mon Dieu ! sanglota-t-il.

— Console-toi, poursuivit-elle, se voyant la maîtresse du champ de bataille, tu es un homme. Il y a des choses impossibles, enfin !

Il eut un tressaillement au fond de son être martyrisé.

— Tu as dit : impossible ! Allons donc ! je veux, tu veux ! Qu’est-ce qu’il y a d’impossible, maintenant ?

— Non ! non ! je te dis la vérité, Lucien ! Coupe-toi la tête, alors !

Il y eut un silence et il s’agenouilla, se faisant un bandeau de l’étoffe de son peignoir.

— Même si je reste ainsi, toujours, à tes pieds, te suppliant ?

— Tu es stupide.

— Même si je ne t’embrasse que la nuit !

— Ah ! dans ma chambre, pour que ma mère nous pince.

— Même si je mets un masque.

Elle pouffa.

— Tu as vraiment des idées, Lucien…

Il redressa le front.