Aller au contenu

Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plaie, poussaient de travers, lui rongeaient les chairs, les envenimaient jusqu’à les faire saigner quand il était surexcité, la moindre contrariété se portant sur son œil malade (et on aurait cru que tous les malheurs qui lui arrivaient devaient passer par ce trou béant !), les cils empêchèrent le rond rose de s’adapter correctement sur l’orbite. Il dut renoncer au taffetas d’Angleterre. Il essaya des lotions émollientes, espérant que l’inflammation se calmerait. Tous les yeux crevés n’avaient pas, enfin, cet aspect de braise fulgurante ! Les lotions attirèrent un mal jaune, une espèce de pus qui se mit à couler pendant deux jours, menaça de gagner l’œil sain et lui valut des exclamations de dégoût. Sa mère lui conseilla de ne plus se pencher sur son verre quand elle lui offrait du vin, et M. Lordès lui recommanda ses minutes d’une façon particulière.

Il ne tenta plus aucun remède, se borna aux calculs de ses effets de tête. Il s’inclinait d’un côté, baissait le front, se grattait les cheveux pour avoir l’occasion de poser sa main devant sa plaie. Cela finit par compliquer tellement sa vie, qu’il en négligea ses travaux. Espérant toujours qu’il rencontrerait Laure au bon moment, il se grattait perpétuellement les cheveux ou le sourcil, se frappait la tempe, affectant un geste de réflexion profonde. Lorsqu’il traversait le corridor, venant de la rue, montait à l’étude, il pouvait rencontrer la jeune fille, et il préparait une série de mouvements