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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/95

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répétés la veille devant une glace. D’abord la cravate qu’il nouait, sa moustache qu’il frisait, ses cheveux qu’il rejetait en arrière. Au bureau, il posait son coude sur le papier, appuyant sa tête sur sa main, tirait son mouchoir, le secouait à hauteur de son œil.

Un jour, le notaire lui dit, impatienté :

— Sacrebleu, vous me donnez le vertige, Séchard, avec votre remue-ménage.

— Excusez-moi, monsieur, murmura le jeune homme, j’ai la migraine.

— Je crois bien, vous mettez de l’eau de Cologne sur votre mouchoir. Ça empeste !

Ces observations le calmèrent. Laure ne se montrant plus, il tomba dans un désespoir morne et songea un moment à lui écrire. Une prudence d’individu élevé parmi des paperasses compromettantes le retint. S’il écrivait, il ne pouvait pas envoyer sa lettre par la poste ; de plus, où déposer une missive amoureuse puisqu’il n’entrait jamais ailleurs qu’à l’étude ? Quand une des croisées du salon était ouverte, de la rue, en enjambant la balustrade, on serait allé jusqu’au piano, et seule mademoiselle Lordès jouait de cet instrument ; mais la bonne Joséphine essuyait le clavier tous les matins, et elle découvrirait nécessairement la lettre. Attendre une nouvelle occasion ? Laure avait fait redemander son modèle de broderie par son père ; Lucien savait bien, à présent, qu’elle ne reviendrait plus…