Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/105

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vais avec je ne sais plus qui… j’ai oublié le but de mon voyage, mais je me rappelle ma vision. La bateau de ce moment-là, un petit vapeur de plaisance, ne pouvait pas s’arrêter là, sans port. Il n’y avait là que cette maison inhospitalière où pendait le lamentable écriteau : À vendre. Ah ! la triste maison grise, morne, au milieu de ce déluge ! Je me sentis tout de suite son amie. Son toit avait l’air d’un chapeau de pauvresse bousculé par les rafales et les cheveux d’un lierre lui tombaient dans les yeux, des yeux mi-clos de volets mal joints. Elle ne pouvait guère apercevoir la vie de l’eau rapide qui passait à ses pieds en les mordant tous les jours un peu. Si elle tenait bon, là, dans ce désert, c’est qu’elle avait une raison d’y rester seule. Elle ne me donnait pas l’idée de la demeure ; plutôt la sensation de celle qui attend quelqu’un. J’aurais voulu lui jeter la permission de s’en aller, puisque je l’avais reconnue… comme une parente. Est-ce que je n’attends pas toujours, moi, un hôte qui ne vient jamais ? Vraiment, je l’ai cru plus malade que moi à la regarder s’effacer dans le lointain rayée par les paraphes de l’averse. Elle était noire, sale, sans un mur ni une grille pour la