Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/175

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une nuit de décor, fumeuse et plus sombre de toute l’épaisseur de la terre, une nuit de sépulcre, on entendait les sabots de la chèvre qui avait failli être écrasée et qui frappaient le sol pour, sans doute, appeler à son aide les esprits impurs.

Une lampe brûlait pendue à la clé de voûte de cette grande caverne et éclairait très mal la table, luisante de graisse, ses verres énormes, ses bols ébréchés, ornés de devises amoureuses, gagnés aux tourniquets des foires. Les trois personnages, soupant là, semblaient fantomatiques. De la porte venait une faible lueur de jour ou de nuit plus claire que celle de cet intérieur bizarre dont la façade était en carton et les assises du plus dur granit. On entendait le bruit monotone du barrage proche, l’eau qui grondait en cascades au tournant large de la Seine.

La mère Fonteau, en galant déshabillé d’une étoffe à ramages datant de Louis-Philippe, le nez rejoignant le menton pour une dispute éternelle entre ses appétits de luxure et son entêtement à vivre, émettait des réflexions à faire rougir sa chèvre, une vieille bique tout aussi capricieuse qu’elle au seul point de vue